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Assurance anticrise

La valeur actualisée de toutes les pertes de production présentes et futures de la crise de 2008 approcherait sans doute une année de produit intérieur brut (PIB) mondial : 60 000 milliards de dollars. Comment réduire la fréquence de tels cataclysmes, et à quel coût?

Publié le 06 septembre 2010 à 16h08, modifié le 07 septembre 2010 à 09h56 Temps de Lecture 3 min.

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Deux ans ont passé depuis le déchaînement de la crise financière, et nous commençons à peine à en mesurer les conséquences. Andrew Haldane (Banque d'Angleterre) a récemment estimé que la valeur actualisée de toutes les pertes de production présentes et futures approcherait sans doute une année de produit intérieur brut (PIB) mondial : 60 000 milliards de dollars (46 700 milliards d'euros), soit cinq siècles d'aide publique au développement, ou dix milliards de fois le coût de construction d'une classe dans un village africain.

La question centrale de la réforme financière est de savoir comment réduire la fréquence de tels cataclysmes, et à quel coût. Car si certaines réformes ne coûtent rien, d'autres ont inévitablement un prix économique. C'est le cas de la réglementation des ratios de capital des banques, qui fait actuellement l'objet de vives discussions.

L'idée est de rendre les banques mieux aptes à subir des pertes sur leurs créances en les obligeant à accroître leurs fonds propres et à moins se financer par l'endettement. A quoi celles-ci répondent que cela rendra le crédit plus cher et affaiblira l'économie.

Supposons, hypothèse raisonnable, que les crises financières interviennent tous les cinquante ans. Pour éviter de perdre 100 % d'une année de production tous les demi-siècles, il serait rationnel de payer une prime d'assurance, pourvu que celle-ci s'élève à moins de 100/50, soit 2 points de PIB par an. Le Comité de Bâle, qui coordonne la réglementation bancaire, a récemment calculé qu'une hausse d'un point du ratio entre le capital des banques et le montant de leurs actifs à risque augmenterait le taux des crédits de 0,13 point mais, en contrepartie, réduirait d'un tiers la fréquence des crises.

Donc, le prix à payer pour que les crises surviennent tous les soixante-quinze ans, au lieu de tous les cinquante ans, serait que le taux d'un crédit passe, par exemple, de 4 % à 4,13 %. Un tel coût est évidemment ridiculement faible, bien plus bas que celui que nous acceptons de payer en matière de sécurité industrielle ou environnementale, et surtout très inférieur aux 2 points de PIB par an nécessaires. Alors pourquoi hésiter à agir ?

Ce raisonnement, cependant, néglige les coûts de la transition vers un nouvel équilibre plus stable. Si on leur impose aujourd'hui d'accroître le rapport entre leur capital et leurs créances, les banques vont devoir, quelques années durant, prêter moins ou plus cher, et donc freiner une reprise déjà incertaine.

Les établissements dénoncent donc les effets récessifs des nouvelles règles, alors que, pour les banquiers centraux, elles n'auront qu'un impact modeste.

Les régulateurs sont devant un choix difficile. S'ils ne font rien ou repoussent la décision, ils risquent demain d'être trop faibles pour imposer leur volonté aux banques. Mais s'ils décident sans attendre, ils risquent d'ajouter un choc réglementaire au choc budgétaire qui s'annonce, alors que la croissance est encore freinée par le désendettement des entreprises et des ménages.

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Même les évaluations du Comité de Bâle, à dessein rassurantes, indiquent qu'un point d'augmentation du ratio de capital pourrait coûter un tiers de point de PIB à horizon de quatre ans. Or, on parle de plusieurs points d'augmentation. Un tel choc, facile à absorber en période de croissance dynamique, pourrait être rude dans le contexte actuel.

Dans ces conditions, la meilleure stratégie est sans doute de fixer des objectifs ambitieux, mais pour une date assez éloignée, et de piloter en souplesse la transition. Il faut aussi se rappeler que l'augmentation des ratios de capital des banques n'est qu'un des moyens de rendre le système plus solide. Parce que l'instrument est disponible, c'est sur celui-là qu'on s'est focalisé, surtout en Europe. D'autres stratégies sont possibles, comme la surveillance plus étroite des développements du crédit, ou bien une compartimentalisation des métiers de la finance, à l'image de la "règle Volcker" adoptée par l'administration Obama.

A voir l'impact économique des crises financières, on est tenté de penser que tout vaut mieux plutôt que de continuer à courir le risque de leur retour. Mais cela ne dispense pas de chercher à minimiser le coût de l'assurance contre les cataclysmes.


Courriel : chronique@pisani-ferry.net.

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