Où est passée la circonscription fédérale ?

Billet radio pour la Première (RTBF), 28 septembre 2010 – Ecoutez le podcast

Où est passée la circonscription fédérale ? Non, rassurez-vous, il ne s’agit pas d’un épisode caché de la célèbre trilogie des aventures de la 7ème compagnie, mais plutôt d’une question qui pourrait bien s’imposer si les négociations pour la formation d’un gouvernement fédéral sortent un jour du marécage pour aboutir à un accord. Souvenez-vous, en effet : la circonscription fédérale c’était cette belle idée, relayée notamment lors de la dernière campagne électorale, et à laquelle souscrivaient tous les partis francophones, et qui visait à permettre qu’une partie des élus fédéraux le soient sur l’ensemble du Royaume. Une belle idée parce qu’elle permettait de remettre un peu d’intérêt commun dans un pays dont les opinions publiques s’éloignent et se comprennent de plus en plus difficilement. Une idée audacieuse, aussi, parce qu’elle allait à contre-courant des forces centrifuges du nationalisme flamand et du constat de l’historien-sénateur Bart De Wever, lorsqu’il explique que nous vivons dans deux démocraties différentes. C’était aussi, soit dit en passant, l’unique revendication positive des Francophones, qui ne soit pas un simple « non » à une revendication flamande, et qui soit même partagée par certains partis néerlandophones.

Or, cette idée, plus personne n’en parle depuis le début des négociations et, même si les humbles mortels que nous sommes ignorons les contours de l’hypothétique accord, tout le monde a bien compris que ce n’était pas sur la table de travail, qui semble se limiter à un freinage et un encadrement par un côté de la table des revendications formulées par l’autre. Et cela, ça donne un sentiment de malaise.

Parce que, tout de même, une circonscription fédérale, ç’aurait été un signal fort pour tout ceux qui souhaitent un avenir à ce pays. Effectivement, si on laisse le cours de l’histoire aux forces centrifuges, au repli de régions qui prennent de plus en plus de compétences sans réinvestir quelque chose vers le fédéral, vers le bien commun, comment ne pas imaginer que la poursuite du mouvement vers une séparation est de plus en plus inéluctable ? La circonscription fédérale, si vous voulez, serait l’unique élément qui, dans un accord, permette de dire que la NVA fait une concession, c’est-à-dire quelque chose de vraiment douloureux. Il y a un peu de quoi sourire quand on nous dit que ce parti prouve sa capacité à faire des compromis parce qu’il accepte que le bouclage du ring d’Anvers se fasse par un tunnel et non par un viaduc ; la grosse différence c’est que ni le tunnel ni le viaduc n’aurait entravé la marche vers l’État flamand. La circonscription fédérale, elle, aurait fourni une assurance-vie à la Belgique, en forçant la NVA à tenter l’expérience du bien commun. Et cela aurait redonné une plus-value claire à la Belgique, en inscrivant une réforme qui aille pour une fois dans l’autre sens, et offre une chance à l’émergence d’une opinion commune commune – plus commune qu’aujourd’hui.

On me dira que la NVA ne pourra jamais accepter une chose pareille. C’est oublier que faire un compromis, ce n’est pas seulement accepter de ne pas réaliser 100% de son programme, comme on l’entend souvent ; c’est aussi accepter quelque chose qui compromet ses objectifs finaux. Et d’autres ont le courage de le faire. Prenez le PS, par exemple, qui vient de fêter ses 125 ans et s’apprête en cas d’accord à entrer dans l’histoire comme le premier parti francophone à accepter une scission partielle de la sécurité sociale. Dans le genre poids symbolique, ce n’est pas mince. Cela vaudrait bien qu’en face, on puisse exiger une vraie concession. Car sans préjuger de ce qu’il y a sur la table, on peut tout de même dire que n’obtenir de la NVA aucun engagement qui aille résolument à contre-courant de son programme alors que les autres le font, et obtenir seulement qu’elle ne reçoive pas tout tout de suite, ce n’est pas une concession : c’est un simple accord sur un échelonnement de dette. Et cela poursuivra longtemps ceux qui l’auront accepté.

Tous les usuriers vous le diront : acheter du temps, c’est se faire avoir.

 



Catégories :Chroniques Radio

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