“Nous sommes un peu désordonnés, un peu sales gosses, un peu frondeurs, un peu Français.” Marc Lièvremont n’a pas d’autres mots pour expliquer comment, en jouant aussi mal, ses protégés se sont hissés samedi matin [15 octobre] en finale de la Coupe du monde de rugby. La laideur pour atteindre le firmament, le désordre comme marque de fabrique.

Il n’y a pas que dans le petit microcosme de l’ovalie que les choses ne tournent pas rond en France. La primaire socialiste qui vient de s’achever [dimanche 16 octobre] offre aussi son lot d’illogisme. François Hollande, celui qui a mené son parti à toutes les défaites pendant plus d’une décennie, est ainsi le candidat officiel de la gauche pour tenter de battre Nicolas Sarkozy. Les Français aiment élire des perdants qui, dans n’importe quel autre pays, auraient été évincés de la vie politique. Chirac ou Mitterrand, pour ne citer qu’eux, ont échoué à répétition avant d’accéder à l’Elysée.

Pourtant, choisir François Hollande contre Martine Aubry, c’est préférer le politicien qui part s’enterrer en Corrèze plutôt que celle qui se coltine avec un succès certain les réalités d’une grande métropole française, Lille. C’est privilégier l’homme qui fuit les réformes comme la peste plutôt que celle qui a mené - avec un bonheur inégal, c’est vrai - une des aventures sociétales françaises les plus marquantes : les 35 heures. En fait, les Français n’adorent les réformes délicates que si elles s’appliquent à leur voisin. Ils avaient d’ailleurs élu Nicolas Sarkozy en 2007 pour ça, avant de se rendre compte que le président ne pourrait pas faire autrement que de toucher à leurs propres privilèges.

En choisissant d’emblée celui qui propose le moins, les pré-électeurs français sont comme leurs rugbymen: ils essayent de gagner petit. Le spectateur suisse qui peine tant à se rendre dans les sages urnes des élections fédérales [la Suisse vote le 23 cotobre] regarde avec une fascination fait-diversière ce jeu qu’il ne comprend pas. La troisième mi-temps s’annonce perdante.