La semaine passée, moi qui ne quitte jamais ma coquille stambouliote, je suis allée à Paris où nous avions organisé les retrouvailles des anciens de notre école [arménienne] Meratmetchian d’Istanbul qui sont éparpillés maintenant un peu partout dans le monde. Mais plutôt que de vous parler de ce moment intense, j’ai choisi de vous parler de mon expérience parisienne.

Cette ville est incontestablement magnifique. Chaque bâtiment y est en soi une véritable œuvre d’art. Les gravures, les balcons en fer forgé, les toits, les coupoles, les fenêtres, les vitraux, les belvédères et même les cheminées sont d’une beauté indescriptible. On n’y voit pas de gratte-ciel. La plupart des bâtiments sont plus ou moins à la même hauteur. La ville dont on peut toujours avoir une vue d’ensemble est comme une grande pâtisserie découpée en tranches, sur laquelle on a versé tantôt de la crème chantilly, tantôt du chocolat ou placé à différents étages des fraises et des cerises. C’est une ville qu’il est impossible d’appréhender en quelques jours et qui demande des semaines d’apprentissage.

Les rues et les avenues y sont très larges – et même étincelantes, aurais-je presque envie d’ajouter, sauf que cette ville est aussi extrêmement sale. La circulation et le trafic à Istanbul ne sont rien à côté de ce qu’on peut voir à Paris. Les Parisiens ne respectent rien. Que le feu soit rouge ou vert, peu importe, chacun fera comme bon lui semble. Le fameux métro parisien est une vraie poubelle. S’il pleut, l’eau y suinte de partout et en plus ça sent mauvais. Franchement, notre métro, c’est autre chose. Vous allez me dire que le métro parisien est très vieux. Certes, mais est-ce une raison pour le laisser dans un pareil état de délabrement ?! En plus, on n’a pas arrêté de nous dire qu’il ne fallait surtout pas prendre le métro le soir. Il paraît que ça grouille de pervers déséquilibrés. J’ai vraiment été étonnée que partout où nous sommes allés on nous a mis en garde contre le vol. Même à l’hôtel, le personnel n’a pas cessé de nous dire de ne surtout pas laisser traîner nos bagages n’importe où.

Le monde entier se retrouve ici. On y voit des gens de partout. Tous les travaux d’entretien sont effectués par des personnes à la peau noire. Ils sont si nombreux qu’à mon avis il n’y aura bientôt plus de Blancs ici. Quant aux Français, ils sont particulièrement vulgaires et mal polis. Si vous ne trouvez pas votre chemin et que vous demandez de l’aide, c’est tout juste si on ne vous frappe pas. Je ne parle même pas de demander une adresse. Non, une simple question du genre : “C’est à droite ou à gauche ?” ne suscite pas le moindre élan de sympathie. C’est le moins que l’on puisse dire. Si c’était chez nous, ça se passerait évidemment autrement. On commencerait tout de suite par dire: “Bon alors, d’ici tu vas d’abord tout droit. Ensuite, trois rues plus loin, tu tournes à gauche. Au coin, tu bifurques de ce côté et alors tu arrives là où tu veux aller…” Et si la personne ne comprenait pas, alors on la prendrait par le bras et on la conduirait jusqu’à l’endroit précis où elle voulait se rendre.

Mais bon, je vais arrêter de médire parce que chaque fois que je me rappelle de tout cela, je commence à m’énerver. J’ai aussi été contrariée par les petits déjeuners. A force de manger du jambon, du gruyère, des cakes et des croissants, mon taux de cholestérol a dû grimper en flèche. Le fromage blanc, les tomates, l’huile d’olive et je ne parle même pas d’un bon café turc… Ils ne connaissent pas. Jusque-là, il s’agit de choses que l’on peut encore supporter, mais le plus incroyable, c’est l’eau. Si dans un endroit vous demandez de l’eau, on vous regarde comme si vous étiez un extraterrestre.

La Seine est très belle mais elle est toute grise et dégage une mauvaise odeur. De toute façon, dans les rues, on sent l’odeur des canalisations. La Tour Eiffel est vraiment très impressionnante et notamment ses illuminations qui sont magnifiques. Mais il ne faut surtout pas avoir l’idée saugrenue de vouloir y monter parce que cela demande au moins deux heures d’attente, et, une fois sur deux, elle est fermée pour cause d’alerte à la bombe. Le moment le plus agréable du séjour fut la visite du musée d’Orsay. Tous les impressionnistes sont là. C’est terriblement fatiguant mais cela en vaut vraiment la peine. D’ailleurs, je n’ai pas pu tout voir. On ne peut évidement pas visiter ce genre de musée en une fois. Tout comme le Louvre, où il faudrait passer au moins un mois. Mais si vous me demandez ce qui m’a vraiment le plus impressionnée, je réponds sans hésiter : Notre-Dame. C’est magnifique. J’en ai encore les larmes aux yeux rien que d’y penser.

Bref. J’ai donc beaucoup aimé Paris, même si j’ai détesté ses habitants. Y retourner ? Oui, quand même, malgré tous ces désagréments.