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Quentin Hugon / Le Monde

Train, avion, métro… En été, les community managers sont loin d’être en vacances

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Publié le 08 août 2018 à 12h17, modifié le 09 août 2018 à 10h19

Temps de Lecture 5 min.

Vendredi 27 juillet. A l’approche du week-end où les juillettistes en tenue de vacancier échangent leur place avec les aoûtiens, la direction de la SNCF est sereine. Malgré les fortes chaleurs, la semaine s’est plutôt bien déroulée, aucun gros incident n’est à déplorer. Le calme avant la tempête. Vers 11 h 30, deux transformateurs de la société Réseau de transport d’électricité (RTE) prennent feu à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine). Une épaisse fumée noire se dégage de la zone, à la vue des badauds inquiets.

Dans la salle de crise de la SNCF, on se ronge les ongles. La nouvelle vient de tomber : l’alimentation électrique de la gare Montparnasse est totalement hors service. Tandis que les pompiers s’affairent pour maîtriser l’incendie, les cheminots se préparent à faire face à un autre feu, virtuel celui-là, sur les réseaux sociaux.

Car, pendant les périodes de forte affluence, et notamment en cas de crise, s’il y a bien un métier en première ligne dans les entreprises de voyage, c’est celui de community manager (CM). Depuis deux ans à la SNCF, une pièce a même été agencée pour les médias sociaux, la social room. Elle est implantée au même étage que la salle de crise… tout un symbole.

Henrina est l’une des trois community managers qui se relaient dans la « social room » de la SNCF.

Cette social room est un petit bijou de technologie. En guise de tapisserie, des écrans géants qui diffusent en permanence des chiffres de tendances, suivis de mots-clés et autres données statistiques. Face à eux, une petite dizaine de personnes concentrées devant leur ordinateur. On ne peut qu’imaginer l’effervescence qui devait régner pendant les événements du 27 juillet. L’entreprise ferroviaire a bien accepté de nous recevoir entre ses murs, mais seulement une fois la tempête maîtrisée.

« Le CM est un acteur majeur de la crise »

Chaque jour, environ trois mille messages mentionnent directement la SNCF sur Twitter. Le 27 juillet, ce chiffre est monté à neuf mille. Si le métier de CM est encore tout jeune, ce dernier est déjà devenu « un acteur majeur de la crise, que l’on doit traiter à sa juste valeur, celle d’un rouage essentiel dans le fonctionnement de la relation clients », selon Mathias Vicherat, directeur général adjoint de la SNCF. Pour lui, « l’information voyageurs est devenue aussi importante que la sécurité des usagers et la ponctualité ». En témoigne un effectif renforcé : en plus des trois CM qui se relaient dans la social room, une cinquantaine d’agents sont répartis sur deux sites, gare de l’Est, à Paris, et à Vannes (Morbihan).

Faire face au flot de demandes, de plaintes, voire d’insultes, peut parfois s’avérer délicat. Théo Mertz a été social media manager (un des nombreux noms désignant les métiers en lien avec les réseaux sociaux) pour la SNCF, pendant deux ans, entre 2014 et 2016. Pour lui, « le souci quand on est CM dans cette entreprise, c’est que, même si on s’applique pour produire des contenus de qualité, les commentaires qu’on reçoit relèvent quasiment tout le temps de la relation clients ». En effet, les prérogatives du community manager peuvent être bien plus larges que la simple interaction avec les usagers. La création graphique, le marketing et la communication interne sont également des fonctions que peut remplir ce métier.

Plus encore que les agents de terrain, les conseillers clients ont souvent été pris à partie sur les réseaux sociaux pendant la grève au printemps dernier.

« Certains voyageurs font la différence entre la personne et l’entreprise. D’autres ne cherchent pas à comprendre », confirme Lucile Evesque, CM de la ligne N du Transilien. Peu après l’épisode du transformateur incendié, la foudre est tombée sur un poste satellite dans le secteur de Versailles-Chantiers. Résultat : les trains sont encore perturbés une semaine et demie après l’incident sur cette ligne. L’aboutissement d’un début d’année des plus compliqués : « Depuis janvier, j’ai l’impression de n’avoir eu aucun creux, c’était un flux tendu de petits soucis, affirme Mme Evesque. C’est sûr qu’il y a des jours où on préférerait être sur une île déserte sans réseaux sociaux ! »

Encore du progrès à faire pour la RATP

Ce ne sont certainement pas les CM de la ligne 1 de la RATP qui viendront dire le contraire. Le 31 juillet, vers 20 heures, douze rames ont été bloquées dans les tunnels du métro parisien pendant plus de deux heures. Trois mille personnes se sont retrouvées coincées dans une chaleur étouffante, condamnées à attendre ou à descendre sur les voies.

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Sur Twitter, l’entreprise tente, tant bien que mal, de délivrer quelques informations sur l’incident. Mais, étrangement, tous les messages des usagers bloqués sont laissés sans réponse. « On ne peut pas en dire plus pour le moment, mais il y a eu un dysfonctionnement ce soir-là », confesse Marie Hardy-Guénaire, responsable des médias digitaux à la RATP.

L’entreprise de gestion des transports parisiens n’a pas été tout de suite à l’aise avec les réseaux sociaux et admet devoir encore progresser. « On s’est vite rendu compte que l’on ne pouvait pas se contenter de simplement mettre les informations sur Twitter, poursuit Mme Hardy-Guénaire. Il fallait aussi répondre aux interrogations des usagers. Au départ, on avait des conseillers clients qui faisaient des blagues douteuses, ou qui, au contraire, étaient trop froids. Mais, avec le temps, on se rend compte que, quand on répond rapidement et dans la bonne tonalité, ça fonctionne. »

Preuve de la prise de conscience de la RATP dans ce domaine, les effectifs dédiés à la relation client sur les réseaux sociaux sont plutôt fournis : quatre CM répartis sur exclusivement sur les RER A et B, une douzaine de personnes chargées de répondre aux usagers sur les différents comptes liés aux lignes de métro et sur le compte de l’entreprise, trois au service communication, dix-sept en poste sur une permanence générale, un chatbot... « On le voit sur nos bilans, le compte client de la RATP sur Twitter ou celui du RER A, par exemple, fonctionnent aujourd’hui très bien, et les retours des usagers sont très positifs », analyse Mme Hardy-Guénaire.

Des « chatbots » pour répondre aux usagers

Chez Air France, le problème est en partie contourné. Si plus de deux cents conseillers sont habilités à répondre aux demandes des clients, dans neuf langues différentes, la compagnie aérienne s’appuie beaucoup sur l’intelligence artificielle pour plusieurs demandes particulièrement redondantes. C’est, par exemple, le cas pour les bagages, qui font souvent l’objet de nombreuses interrogations chez les voyageurs, et pour lesquels un chatbot prénommé Louis, qui fonctionne sur Facebook Messenger, a été développé. Les requêtes adressées à l’entreprise proviennent d’ailleurs à 70 % de Messenger, suivi de près par la messagerie privée de Twitter.

L’entreprise prend les polémiques sociales très au sérieux et développe même des outils pour les anticiper. « Avec l’arrivée du Wi-Fi à bord des avions, on se doit d’être encore plus vigilants, souligne Florence Estra, vice-présidente chargée du marketing digital. On a même une cellule pour suivre ce qu’il se dit de l’entreprise sur les réseaux sociaux. »

Louis est le « chatbot » d’Air France chargé des informations sur les bagages.

Du côté de la SNCF, qui a aussi recours à des chatbots, on mise plutôt sur la personnalisation. Depuis le 13 juillet, le hashtag #AlloSimone permet aux usagers de faire n’importe quelle demande relative à leur expérience de voyageur. La requête est ensuite redistribuée selon sa thématique dans les services concernés, afin d’avoir une réponse qui soit la plus précise possible. Le mot-clé fait référence à Simone Hérault, la « voix » de la SNCF dans les gares.

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