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Enseigner via Twitter: «Sortez vos téléphones»

«Sortez vos téléphones». La  consigne est pour le moins inhabituelle au lycée, mais Delphine Regnard,  professeur de lettres classiques dans les Yvelines, est une «pionnière» du  numérique et utilise Twitter comme véhicule «d'une écriture créative» en 140  signes.

© PHOTO: Shutterstock

(AFP) - Le ministre de l'Education nationale Vincent Peillon présente jeudi sa stratégie numérique pour l'école, un secteur où les élèves sont souvent en avance sur leurs profs et où l'institution s'en remet aux bonnes volontés individuelles.

La consigne du jour pour les élèves de Delphine Regnard, en première littéraire du lycée Saint-Exupéry, est d'écrire un vers comportant une figure de style et de le publier sur le réseau social.

Au bout de quelques minutes, les premiers tweets fusent : «J'ai fait des vers en prose, qui se décomposent, tels de magnifiques choses» envoie «Lauu' précieuse», «Réfléchir, réfléchir, en lisant tous ces tweets, je ne réfléchis que plus vite...», écrit un autre.

«L'idée est d'investir Twitter comme format d'écriture», explique Mme Regnard, rousse dynamique de 40 ans. «C'est leur permettre une écriture créative».

En faisant avec les moyens du bord. Pour les élèves qui n'auraient pas de smartphone, Mme Regnard prête son téléphone et son ordinateur portable.

«En début d'année, je leur fais passer un questionnaire pour savoir s'ils ont internet à la maison. Ceux qui n'ont pas de smartphone, utilisent celui d'un copain et ceux qui n'ont pas de compte Twitter, soit les parents autorisent qu'on leur en crée un, soit ils utilisent le compte de la classe», précise-t-elle.

Grâce au «ramdam» fait par leur prof auprès de ses followers, une professeur de français installée au Kirghizstan, une didacticienne au Québec et un auteur français répondent. Toute la classe suit l'évolution du compte (@1L1SaintEx) sur e tableau numérique.

«Le premier frein est venu des élèves»

«Pour moi, Twitter, c'est plus fait pour raconter sa vie que pour faire de la littérature. Au début, j'ai cru à une blague», se souvient Baptiste, 16 ans.

«On s'est demandé comment on allait avoir notre bac à la fin de l'année», reconnaît Margaux, 16 ans, cheveux courts noir corbeau et maquillage appuyé.

«Le premier frein est venu des élèves eux-mêmes car on investit un espace à eux. Et il n'était pas question d'utiliser les réseaux sociaux pour les amadouer, parce qu'ils sont là pour préparer le bac», raconte Mme Regnard, qui savoure sa «chance d'être soutenue par sa hiérarchie».

«Rassuré» par l'usage «cadré» de Twitter, le proviseur Bruno Choquer estime que ces pratiques «s'inscrivent dans une recherche pédagogique» et reposent encore sur «des volontés individuelles»: «ça égraine mais d'autres enseignants restent rétifs.»

Le chef d'établissement souligne aussi que l'usage des nouvelles technologies entraîne «un problème de coût et de maintenance». L'enseignante utilise également Twitter dans sa classe de latin.

«Une question de survie» au départ pour sa classe de 9 élèves. «On sort un peu de notre solitude de latiniste» grâce aux réseaux sociaux.

La classe est ainsi entrée en contact avec des traducteurs et des profs de fac aux Etats-Unis, souligne-t-elle. «On entend souvent dire que c'est limité à 140 caractères mais en publiant plusieurs tweets, ça fait un vrai texte», argumente Mme Regnard.

La compilation des meilleurs tweets de l'année devrait donner lieu à la publication d'un livre numérique sur le blog de la classe.

Le site http://twittclasses.posterous.com recense «242 twittclasses» francophones, dont 71 dans l'enseignement secondaire.

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