Après des mois consacrés aux débats sur la gratuité des études supérieures, aux élections et enfin, à la question épineuse des malversations socioéconomiques et politiques, de nombreux problèmes qui hantent pourtant depuis des années le monde de l'éducation au Québec sont en train de passer au second plan. Plusieurs dossiers ne manqueront pas toutefois de refaire surface au cours des prochains mois.

1. L'opposition entre l'évaluation des compétences et des connaissances. La saga qui se poursuit autour du bulletin unique illustre bien cette situation: d'un côté, des «experts» ministériels s'acharnent à défendre une évaluation par compétences tous azimuts; de l'autre, des chercheurs et praticiens démontrent, preuves à l'appui, les limites d'une telle façon de procéder. Poussée à l'extrême, une telle opposition risque de nuire à la qualité de l'éducation dispensée à nos jeunes. On ne s'en sortira pas sans revenir aux fondements théoriques du Renouveau pédagogique afin de les analyser de la façon la plus objective possible et de rectifier le tir.

2. La persistance de l'échec scolaire et de l'abandon des études. En dépit des promesses du Renouveau pédagogique, les élèves - les garçons en particulier -, prennent de plus en plus de retard et se désintéressent de l'école. Améliorer le niveau de la «réussite scolaire» et juguler «l'abandon des études» des jeunes font partie à juste titre des plus importantes préoccupations du système scolaire. S'il importe de rendre l'école plus attrayante pour les adolescents notamment, il ne saurait s'agir néanmoins de la transformer en un terrain de jeu.

3. La généralisation de l'enseignement intensif de l'anglais en 6e année. Les arguments de ceux qui s'opposent à cette mesure ne devraient pas être rejetés d'un revers de main. Comment ne pas tenir compte du fait que les jeunes du primaire arrivent au secondaire avec des lacunes importantes en grammaire et en orthographe? Les répercussions à long terme de l'apprentissage d'une seconde langue de façon intensive dans des telles circonstances sont encore loin d'être suffisamment prises en compte.

4. La formation des futurs enseignants. Cette formation se voit de plus en plus contestée, notamment à cause de son monolithisme. On impose présentement à toutes les facultés d'éducation d'adopter un modèle unique fondé sur 12 compétences attendues et d'insérer celles-ci dans leurs plans de cours, sous peine de voir leurs programmes rejetés sans appel par le ministère de l'Éducation. Plusieurs critiques remettent en cause cette approche techniciste qui n'accorde aux savoirs fondamentaux qu'une place secondaire. Tout se passe comme s'il fallait apprendre à enseigner avant d'avoir acquis de solides connaissances soi-même.

5. L'impact des innovations pédagogiques sur l'apprentissage scolaire. Tout est lancé sans cadre de référence, sans étude de besoins et sans prise en compte des contextes. «On est en expérimentation constante, on n'a plus le temps d'enseigner», déplorent plusieurs enseignants. Après les tableaux intelligents dont les limites sont déjà connues, voici que surgit, dans les cégeps et les écoles du primaire et du secondaire, la «pédagogie inversée». Cette pédagogie en provenance des États-Unis prétend, en recourant aux technologies de l'information et de la communication, modifier la relation pédagogique en inversant les rôles: l'élève apprend par lui-même à la maison à partir de contenus préétablis; l'enseignant, lui, prend la posture d'un simple «accoucheur» des connaissances acquises par l'élève. Cette dernière «trouvaille», surtout si elle est mal encadrée, risque de conduire à de nombreuses dérives. Le temps presse de procéder à une évaluation attentive de certaines «innovations pédagogiques» qui abolissent la relation pédagogique et le rôle de socialisation de l'école.

Ces dossiers donnent une idée des défis qui attendent la nouvelle ministre de l'Éducation, si elle veut remettre en cause l'école spectacle, qui milite en faveur des apparences plutôt que des valeurs authentiques. Il lui revient de procéder à la mise en place de véritables États généraux qui concerneraient le système scolaire québécois dans son ensemble, et non pas seulement le niveau universitaire.