Environnement Yann Arthus-Bertrand : « On vide la mer, on devrait être inquiet mais on vit dans le déni »

Son nouveau documentaire réalisé avec Michael Pitiot, photographe, a été présenté en juin à Rio, en ouverture de la Conférence des Nations Unies sur le développement durable… sans grand résultat.
Recueilli par Isabelle Brione - 23 déc. 2012 à 06:01 | mis à jour le 23 déc. 2012 à 08:39 - Temps de lecture :
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Le message passe-t-il plus facilement quand on montre les beautés du monde ?

Yann Arthus-Bertrand : Les gens sont plus choqués par ce film que par « Home » (1). À l’époque, on croyait encore à Copenhague (2), aujourd’hui on se rend compte qu’il est impossible d’arrêter la machine. Ce qui tue le monde, c’est notre consommation. Si on arrête de vendre, c’est un drame pour la croissance, or il faut bien payer les écoles, les hôpitaux… Il faudrait une révolution pour changer tout cela. Aujourd’hui, toutes les informations se mélangent : le futile et l’essentiel, on n’a plus le temps de réfléchir.

C’est plus difficile de filmer sous l’eau ?

Non, le tournage a été joyeux. Tous les cadreurs sous marins nous ont donné des images. Le film a été fait en un an. On a passé des heures à dérusher. Les clichés sont magnifiques, mais angoissants : on est en train de vider la mer.

Vous êtes pessimiste ?

Je m’intéresse à l’environnement depuis René Dumont (candidat à l’élection présidentielle de 74). Or, on va dans le mauvais sens, il est difficile de faire bouger la masse. Il y a un changement climatique, tout le monde le sait, le voit, on devrait être inquiet mais on vit dans le déni. Le film a été présenté pour la conférence de Rio (3) et il n’a provoqué aucune décision.

Que faudrait-il faire ?

Créer des aires maritimes protégées, que les quotas de pêche soient respectés. Il faut aider les artisans et arrêter les subventions à la pêche industrielle. Mais les États sont incapables de s’entendre. On a les hommes politiques qu’on mérite : ni plus courageux, plus intelligents, ni avec plus d’éthique que le reste de la population. Un exemple : avant Copenhague, nous avions fait une manifestation au Trocadéro, il y avait 200 personnes dans la rue, alors qu’elles étaient des millions pour les retraites. Tout cela passe par une prise de conscience globale.

Il est trop tard ?

80 % des gros poissons ont disparu, la taille des thons est de 40 % plus petite qu’il y a 30 ans. Il y a une accélération de la disparition des espèces, mais on ne peut pas vivre dans ce monde sans réagir.

Certains États sont-ils plus coupables que d’autres ?

Je ne sais pas, mais quand je vois que les discussions sur le climat ont eu lieu (fin novembre) à Doha, le pire pays, celui qui a la plus grosse empreinte écologique du monde… Nous, les pays les plus riches, nous sommes les plus gros pollueurs et nous sommes des modèles pour le monde entier : tout le monde veut polluer comme nous.

Le salut passe par le comportement individuel ?

Chacun doit réfléchir : comment je vis et comment je consomme au quotidien. Il faut apprendre à vivre mieux avec moins, à faire moins de gaspillage, à acheter moins.

L’écologie politique ?

J’ai voté pour Eva Joly, mais je n’y crois plus. L’écologie, c’est aimer la vie et les autres, or en politique on ne s’aime pas. En fait, l’écologie doit être au cœur de tout : arrêter le diesel et couvrir Lyon de panneaux solaires (rires).

Vos projets ?

Je pars pour deux ans de tournage pour « 7 milliards d’autres », un film sur le social, la guerre, la corruption, la pauvreté. La beauté n’est pas que dans les paysages, elle peut être dans le geste et dans la parole.

(1) Sorti en juin 2009 vu par 600 millions de spectateurs dans plus de 100 pays.

(2) Sur les changements climatiques, en décembre 2009.

(3) Lors de la Conférence des Nations Unies sur le développement durable en juin 2012.

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