On croyait les musées modernisés, diversifiés, branchés… Une mission lancée par le ministère de la Culture planche déjà sur ceux de demain et lance une consultation citoyenne sur Internet pour recueillir les envies et les propositions du public.
Publié le 19 octobre 2016 à 18h30
Mis à jour le 08 décembre 2020 à 03h07
Imaginez des représentants du public siéger aux conseils d’administration des musées. Imaginez des grands-parents bénéficier de la gratuité des billets quand ils accompagnent leurs petits-enfants. Imaginez des expositions ou des collections permanentes visibles sur le web, avec des liens interactifs pour préparer sa venue ou la refaire. Imaginez des programmations plus artistiques et moins commerciales. Et même du spectacle vivant dans les salles. Utopique ? Réaliste ? Déjà vu ? Toutes ces idées sont à découvrir sur le site Internet Imaginons ensemble les Musées de demain, initié par le ministère de la Culture. Certaines existent, d’autres ne verront pas le jour, d’autres encore seront peut être effectives dans quelques années… Depuis mi-octobre, la plateforme contributive ministérielle invite les internautes à une séance de brainstorming sur le musée version 2.1.0, ou comment renforcer la relation entre les institutions et le public à l’heure du collaboratif et du numérique. Près de quatre cent personnes ont déjà répondu à l'appel, postant des propositions, farfelues ou pertinentes, autour de thèmes comme « donner l’envie d’aller au musée » ou « s’impliquer dans le fonctionnement du musée ». On peut même noter les propositions de ses petits camarades virtuels, et réciproquement.
Tables rondes
Cette consultation citoyenne inédite s’inscrit dans le cadre d’une mission lancée par la ministre de la Culture, Audrey Azoulay, au printemps dernier. Appellation : « Musées du XXIe siècle ». Objectif : repenser le musée de demain dans une société qui a évolué et continuera de le faire. Ce travail de prospection a été confié à Jacqueline Eidelman, conservatrice du patrimoine, ancienne tête pensante de la politique des publics au ministère. A peine à la retraite, cette dernière rempilait pour une plongée express — neuf mois à peine — dans l’univers toujours discret, mais de plus en plus ouvert, du monde des musées au pluriel. Cinq cent personnes devraient au final être consultées par le comité de pilotage — vingt membres —, des tables rondes organisées dans toute la France, ainsi que huit grands débats publiques en région. La tâche est vaste, car l’étude ne se cantonne pas au périmètre des musées d’art nationaux ou territoriaux. Sont inclus tous les établissements de France et d’Outre mer, autant en art qu’en science ou technique, ainsi que les maisons d’artistes, les châteaux etc…
La mission s’est donnée quatre axes de recherche : le musée éthique et citoyen, c’est-à-dire tout ce qui tourne autour des liens sociaux. Le musée protéiforme, désignant les activités hors les murs, expositions itinérantes ou « antennes ». Le musée inclusif et collaboratif, ou comment intégrer les véritables attentes du public. Et enfin, le musée comme « écosystème professionnel », ou la révolution silencieuse à l’œuvre du côté des professionnels, de la qualification des nouveaux métiers à l’externalisation de certains. Outre la mission « Musées du XXIe siècle » et la consultation publique sur Internet, le ministère a également commandé pour novembre un sondage d’opinion réalisé par le Crédoc auprès de trois milles personnes de quinze ans et plus. Même objectif, cibler au plus près les enjeux face à la société en transition.
2000, l'âge d'or
Pourquoi plancher à nouveau sur la question des musées, que l’on croyait déjà largement étudiée et mise en œuvre ? A priori, leur révolution a déjà eu lieu, amorcée dans les années 1980-90 avec les refontes complètes des grands établissements, architecturalement et muséographiquement parlant. Leur âge d’or culmine dans les années 2000, lorsque ils deviennent le cœur culturel des villes. A partir de là, le vieux cliché du mausolée inaccessible s’estompe. En une vingtaine d’années, de nombreux établissements se sont métamorphosés, comme celui de Pont-Aven ou celui de Colmar, pour ne citer que les plus récents. En 2002, la loi dite « Musées » leur a offert un cadre en béton : « Les musées ont pour mission de conserver, restaurer, étudier et enrichir leurs collections, de les rendre accessibles au public le plus large, de concevoir et de mettre en œuvre des actions d’éducation et de diffusion visant à assurer l’égal accès de tous à la culture, de contribuer au progrès de la connaissance et de la recherche. » Tout est dit, dans des termes peut être moins modernes et moins numériquement adaptés que ceux des objectifs de la mission. Mais l'esprit est là.
C’est un trac de la CGT l’année dernière, interpellant le ministère sur le futur des musées, qui a donné l’idée de cette réflexion menée tambour battant. Reconsidérer les attentes du public, réévaluer le rôle citoyen de l’institution, faire attention aux mutations professionnelles, être vigilant face aux diversifications des activités… En 2011, une étude de l’Association générale des conservateurs des collections publiques de France (AGCCPF) pointait déjà ces problématiques dans le Livre blanc des musées, un rapport sévère sur l’état des établissements français, soulignant un fonctionnement à deux vitesses entre les grands et les autres, isolés et sans moyens. Pour Jacqueline Eidelman, chef d’orchestre de la mission Musées XXIe siècle, ce cri d’alarme a été intégré à la réflexion. « Les grands établissements sont en bonne santé alors que les musées des collectivités territoriales vont plus mal, il faudra redonner de la robustesse aux rapports entre l'Etat et les collectivités », dit-elle. Sur mille deux cent vingt établissements labellisés « Musées de France », quinze sont fermés pour travaux, ou parce que pas aux normes, ou par manque de personnel ; et plus de la moitié des petits ne fonctionnent qu'avec quatre agents. A l'heure du numérique et du participatif, il s'agira donc d'« Imaginer ensemble (tous) les Musées de demain ».
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